LES PRÉTENTIONS DES SOI-DISANTS EXPERTS EN ARMÉNIE ORIENTALE
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Karin
Nombre de messages : 2663 Date d'inscription : 03/04/2007
Sujet: LES PRÉTENTIONS DES SOI-DISANTS EXPERTS EN ARMÉNIE ORIENTALE Lun 12 Aoû - 10:54
Commençons par nous poser des questions
En quoi consiste le traité d'Alexendropol ?
2 décembre 1920 Traité d'Alexandropol Signature du Traité d'Alexandropol entre l'Arménie (????) et la Turquie. Après la fin de la Première Guerre mondiale, durant la guerre d'indépendance turque dont l'objectif fut la révision du Traité de Sèvres, le Traité d'Alexandropol est signé entre la République démocratique d'Arménie et les Turcs à Alexandropol (acuellement Gyumri, en Arménie). Il remplace le Traité de Batoum signé le 4 juin 1918. Le Traité d'Alexandropol est un traité de paix entre la République démocratique de l'Arménie (????) et la Grande Assemblée nationale de la Turquie mettant fin à la guerre turque-arménienne, avant la déclaration de la République de la Turquie. C'est le premier traité signé par les révolutionnaires turcs avec un état dans le monde entier accepté. Les termes du traité ont été négociés entre Kazim Karabekir et le Ministre des Affaires étrangères arménien Alexander Khatisyan. L'article 2 présente la frontière nouvellement établie entre les deux pays. L'article 10 déclare que l'Arménie (?????) a renoncé au Traité de Sèvres.
Serait-ce un coup de couteau dans le dos de la Sentence du Président Wilson ? Bien sur que non puisque la Sentence du Président Wilson ne concerne uniquement que l'Arménie Occidentale. (la suite prochainement)
Karin
Nombre de messages : 2663 Date d'inscription : 03/04/2007
Sujet: Re: LES PRÉTENTIONS DES SOI-DISANTS EXPERTS EN ARMÉNIE ORIENTALE Lun 12 Aoû - 23:51
Traité de paix entre la Turquie et l'Arménie du 2 Décembre 1920
N.B. Le présent texte comprend des fautes, conformes au traité original rédigé en français et en turc.
(ALEXANDROPOL-GUIMRI) Dans le but de mettre fin à l'état de guerre présente et conclure une paix durable, le Gouvernement de la Grande Assemblée Nationale de Turquie d'une part et la République d'Arménie d'autre part ont désigné pour leur Plénipotentiaires pour les négociations de Paix savoir:
S.E.le Général Kazìm Karabekir Pacha, Commandant du Front Oriental. S.E. Hamid Bey, Gouverneur Général d'Erzeroum S.E. Seleiman Nedjati Bey, député d'Erzeroum.
Pour l'Armenie: M.Alexandre Khatissian, ancien Ministre-Président député. M.Abraham Kulhandanian, ex Ministre des Finances député. M.Stépan Khorganian, Ministre Adjoit à l'intérieur
lesquels se sont réunis à Alexandropol et après avoir échangé leurs pleins pouvoirs reconnues en bonnes et dues formes ont convenus des dispositions suivantes:
1) La guerre entre la Turquie et l'Arménie a pris fin
2) La frontière entre la Turquie et l'Arménie commence du point ou le Kara-sou se jette dans l'Arax jusqu'au nord-est de Tikhnis-est de Grand Kemli l'est de Kìzìltach jusqu'au Grand Ahbaba puis les régions de Charour Nakitchevan et de Chahtahti qui se trouvent au sud de la ligne Kaki-dagn 10282, hauteur 8262 mont Kamasou 8160, le V. Khov Khourt Koullag mont Sahat 7868, note 3680 sur la rivière Arpatchai (carte 5 verstes 1908) Saraiboulag 8711 gare d'Ararat jusqu'à la rivière Arax au point ou se jette la rivière Karasou.
Dans les régions de Nakhitshevan, Charoui et Chaktahti ou sera établi dans l'avenir par loi de plébiscite une <+>administration l'Arménie ne doit s'immiscer dans cette administration quelle que soit la forme de cette administration. Ces régions seront provisoirement sous la protection provisoire de la Turquie. (la tracée de la ligne de la frontière sera faite dèfinitivement sur place par des commission mixtes de deux côtés de frontière dont le stravaux commenceront dans deux semaines de la date de signature du présent)
3) Le Gouvernement de la Grande Assemblée Ntaionale de Turquie admet le plébiscite dans le territoire se trouvant entre l'ancienne frontière et la frontière actuelle indiquée dans le 2ème article territoire cédé à la Turquie par le présent Traité et qui ont une attache irréfutable historique éthnique et juridique avec la Turquie, dans le cas où la République d'Arménie exprimera le désir pour ce plébiscite. Ce plébiscite aura lieu dans le cours de 3 années qui suivront la ratification du présent Traité.
4) Dans la bonne volonté d'obvier désormais aux instications des Gouvernements Impérialistes de l'Entente qui pourraient troubler la sécurité du pays, le Gouvernement d'Arménie consent de n'avoir outre une gendarmerie d'armes légères au nombre suffisant pour maintenir l'ordre et la sécurité du pays, qu'une détachement militaire de 1500 bayonnettes avec 8 canons de montagnes ou de campagnes et 20 mitrailleuses pour défendre les frontières du pays. Le service militaire ne sera pas obligatoire en Arménie. Le Gouvernement de l'Arménie est libre de construire des forts et d'y placer pour défendre son pays contre l'ennemi extérieur des canons lourds du nombre qu'il trouvera à condition de ne pas employer des canons à obus de 15 centimètres et de longs canons de 15 et employés dans l'armée, ni d'autres armée.
5) Le Gouvernement d'Erivan consent le présent Traité à permettre aux Représentants Politiques ou à l'Ambassadeur de Turquie, qui après la paix résidera à Erivan, de faire lorsqu'il voudra des inspections et des enquêtes relatives à ces conditions. Par contre le Gouvernement de la Grande Assemblée Nationale s'engage à prêter à l'Armenie son aide armée lorsqu'il y aura un danger intérieur ou extérieur et dans le cas ou le gouvernement de la République d'Arménie en ferait la demande.
6) Le Hautes Parties Contractantes consentent au retour dans leurs foyers dans les frontières anciennes de tous les réfugiés exceptés ceux qui s'étant réfugiés pendant la guerre générales dans les armées ennemis ont combattu contre leurs Gouvernements respectifs ou ceux qui ont pris part aux massacres. Les Parties Contractantes consentent à faire jouir les réfugiés rapatriés d'un régime dont jouissent les minorités dans le pays le plus civilisé.
7) Ceux des réfugiérs indiqués dans l'article 6 qui dans une année à partir de la ratification du présent Traité ne seront pas rentrer dans leurs foyers n'auront plus droit à ce retour mentionné dans l'article 6. Leur demande de droit de transvers ne seront plus pris en considération.
Respectant les principes d'humanité et de droit déclarés et admis par lui le Gouvernement de la Grande Assemblée Nationale malgré les dépenses énormes qu'a été obligé de faire pendant deux années pour le maintien de son armée, renonce à l'indemnité de la présente guerre que ledit Gouvernement a été obligé de faire contre l'Armenie. Les deux Parties Contractantes renoncent également aux pertes subies pendant la guerre universaire.
9) Le Gouvernement de la Grande Assemblée National de Turquie assure dans un esprit le plus sincère secours et aide au Gouvernement de la République d'Arménie pour développer et fortifier l'autorité du Gouvernement d'Erivan.
10) Le Gouvernement d'Erivant s'engage à considérer et déclarer nul le Traité de Sèvres auquel le gouvernement de la Grande Assemblée Nationale a catégoriquement renoncé. Le Gouvernement d'Arménie s'engage à rappeler d'Europe et d'Amérique ses Délégations dont les contres politiques des Gouvernements Impérialistes de l'Entente ont fait un instrument d'instication.
Ils déclarent en outre d'aplanir, avec une sincérité absolue les malentendus qui pourraient surgir d'une manière ou autre entre les deux pays. Le Gouvernement d'Arménie pour donner une preuve de son intention de vivre dans la paix et de son respect pour le droit de voisinage de Turquie s'engage à éloigner de l'administration gouvernementale les personnages provocatrices qui poursuivent les projets impérialistes dans le but de troubler la paix entre les deux pays.
II) Le Gouvernement de la République d'Armenie s'engage à assurer les droits des musulmans habitant dans le territoire de la République et dans le but de faciliter le développement dans les terrains religieux et culturels de la population musulmane s'engage également de n'entraver aucunement l'organisation de ses communautés, l'élection directe par celle-ci des muftis et la confirmation du grand mufti, qui sera élu par les mufti locaux par le Cheik-Ul Islam du Gouvernement de la Grande Assemblée Nationale.
12) Les Hautes Parties Contractantes s'engagent à laisser passer librement les personnes et les marchandises de l'autre Partie par leurs chemins de fer ainsi que par toutes les voies et renoncent aux droits de transit fait par la Mer ou de quelques pays que ce soit. Le Gouvernement de la République d'Arménie s'engage de renoncer aux droits de transit pour les marchandises, charriots, wagons,expédiés par transit entre la Turquie, l'Azerbeidjan, la Perse et la Géorgie. Le Gouvernement de la Grande Assemblée Nationale s'engage à donner à l'Armenie, par Charour Nakhitchevan Chahtahti et Djoulfa avec la Perse et Makou le libre transit. Etant donné que l'Etat turc est obligé de prendre les mesures nécessaires contre les instigations et les attentats des Gouvernements Impérialistes de l'Entente qui peuvent les diriger contre son existence et sa vie, il aura droit jusqu'à la conclusion de la paix générale et sans entraver la circulation libre de contrôler pour empêcher l'introduction des armes surpassant la quantité indiquée dans l'article 4 les chemins de fer et les voies dans le territoire d'Arménie. Les deux Parties Contractantes défendront l'entrée en Arménie des Représentants officiels et non officiels des Gouvernements impérialistes de l'Entente.
13) Le Gouvernement de la Grande Assemblée sans porter atteinte aux droits assurés par le présent Traité à la République d'Armenie a le droit de prendre des mesures militaires dans le territoire de la République d'Armenie.
14) Le Gouvernement d'Arménie déclare nul tous les Traités qui auraient pu conclure et ayant un rapport avec la Turquie ainsi que tous Traités conclus au préjudice de la Turquie.
15) Dès la signature du présente Traité les relations commerciales seront reprises entre les Parties Contractantes et les deux Parties enverront leur Représentant Diplomatique et Consulaire dans les capitales et villes respectives.
16) Des coventions postales, télégraphiques, téléphoniques et consulaires seront conclus par des sous-commissions suivantes les dispositions du présente Traité. A partir de la signature du présente Traité, les relations par chemins de fer entre les pays voisins et les territoires occupés par les troupes turques seront reprises, ainsi que les communications postales et télégraphiques entre lesdits pays et la région occupée seront réinstallées.
17) L'évacuation du territoire qui restera suivant le présent Traité à l'Arménie ainsi que l'échange des prisonniers seront faits lorsque l'Arménie accomplirera les conditions du présent Traité. Les intérnés civils de cette guerre seront échangés immédiatement après la signature du présent Traité. L'Echange des prisonniers de guerre sera fait d'après les dispositions qui seront prises par les sous commissions des délimitations.
18) Le Présent Traité sera ratifié dans un mois.
En foi de quoi, LES PLENIPOTENTIAIRES SUSNOMMES ONT SIGNE LE PRESENT TRAITE.
Fait à Alexandropol, le Deux Décembre mil neuf cent vingt en deux exemplaires et en langues turques et françaises.
MAIS DE QUELLE ARMÉNIE S'AGIT-IL DANS CE CAS???? DE L’ARMÉNIE ORIENTALE BIEN SUR!!!!!
Dikranagert
Nombre de messages : 834 Date d'inscription : 06/09/2009
Sujet: Re: LES PRÉTENTIONS DES SOI-DISANTS EXPERTS EN ARMÉNIE ORIENTALE Mar 13 Aoû - 9:24
Mais alors celui-là aussi il nous prend pour des imbéciles, en essayant de récupérer les droits des Arméniens d'Arménie Occidentale, nous pouvons rappeler que le 12 février 1919 à la Conférence de Paris les deux délégations arméniennes celle de l'Arménie Occidentale et celle de l'Arménie Orientale ont décidé de présenter un dossier commun pour la Conférence de Paix Internationale, ce qui signifie qu'il y a anguille sous roche, c'est à dire non respect des décisions prises.
Karin
Nombre de messages : 2663 Date d'inscription : 03/04/2007
Sujet: Re: LES PRÉTENTIONS DES SOI-DISANTS EXPERTS EN ARMÉNIE ORIENTALE Mer 14 Aoû - 17:45
Déjà en 1922, l'Arménie Orientale a essayé de s'imposer à la place de l'Arménie Occidentale voici ce qui a été la réponse en rappelant toute légitimité à la Délégation Nationale Arménienne (pour l'Arménie Occidentale):
La situation faite aux Arméniens La sous-Commission des minorités commença l’élaboration d’un statut général des minorités. Mais elle se vit bientôt obligée de prendre position vis-à-vis du problème arménien, l’opinion publique européenne et américaine passant à ce moment par un de ses sursauts généreux en faveur des Arméniens, sursauts dont cette malheureuse nation n’a d’ailleurs retiré jusqu’ici que des satisfactions purement platoniques[394]. Le 18 octobre 1922, M. Aharonian, Président de la Délégation de la République arménienne, avait adressé aux gouvernements de France, de Grande-Bretagne et d’Italie une Note exprimant « la demande de la République arménienne d’être représentée à la future Conférence sur les affaires d’Orient sous la forme que les Puissances alliées jugeraient la plus appropriée ». « Il me sera permis de rappeler à cette occasion, disait M. Aharonian, que, par l’article 83 du traité de Sèvres, les Puissances alliées ont déclaré qu’elles avaient déjà reconnu l’Arménie comme un État libre et indépendant ; que cette reconnaissance n’a donc pu être atteinte dans ses effets par la non ratifîcation du traité auquel elle était antérieure ; que le caractère juridique de l’indépendance de l’Arménie ressort également du préambule du traité de Sèvres qui la classe parmi les Puissances alliées ; qu’enfin, l’Arménie a signé,-en sa qualité d’État souverain et indépendant, aussi bien le traité de Sèvres qu’un traité séparé avec les Principales Puissances alliées sur la protection des minorités. Les événements politiques, dont depuis cette époque l’Arménie a été le théâtre, n’ont pu certainement en rien modifier son statut international d’État indépendant ».
Dans leur réponse, les Puissances invitantes reconnurent, une fois de plus, que l'Arménie" était « un État dont l’indépendance avait déjà été reconnue de jure ». Elles ne crurent cependant pas possible d’appuyer la demande de l’Arménie de participer à la Conférence et basèrent leur refus sur « la forme soviétique adoptée par la République d’Erivan ». Toutefois, elles laissèrent prévoir que la Conférence aurait recours à la Délégation nationale arménienne de Paris au cas où elle estimera il désirable de consulter l’opinion arménienne[395].
Malgré cette attitude peu encourageante des Puissances, les deux Délégations arméniennes se rendirent à Lausanne, et présentèrent, le 15 novembre 1922, à la Conférence, un Mémoire exposant leurs revendications nationales. Rien n’est plus navrant que la lecture de ce document où se reflètent le désespoir des représentants responsables de la nation, aussi bien que la soumission à toute sentence des Puissances garantissant aux débris du peuple un minimum d’existence nationale. En voici un résumé : Après avoir rappelé une fois de plus toutes les promesses solennelles qui leur ont été faites, les Arméniens y constatent très sobrement que 700.000 des leurs se trouvent actuellement hors de leur sol natal, voués à la plus dure misère ; que 73.350 femmes et enfants se trouvent séquestrés dans les harems turcs ; qu’une partie des restes des Arméniens en Turquie a péri lors de la catastrophe de Smyme, ou a été massacrée à Brousse, à Bigha et à Balikesser ; qu’un certain nombre dépérit dans les camps de concentration et dans les services de l’armée kémaliste ; et que le reste des Arméniens de l’Asie Mineure est sous la menace d’un arrêt du gouvernement d’Angora[396]. « Pendant la guerre, et depuis l’armistice, la communauté arménienne de Turquie a été spoliée de ses biens évalués à plus de 10 milliards de francs, ses églises, ses écoles et ses institutions de bienfaisance ont été saisies et détruites ». Les Arméniens demandent comme réparation « de cette catastrophe sans exemple », l’octroi d’un Foyer national où ils pourraient « trouver enfin la sécurité de leur existence physique et du libre développement de leur culture ». Ils savent que les Turcs prétendent avoir déjà résolu la question par la reconnaissance de l’indépendance de la République d’Erivan et qu’ils invoquent le Pacte National de l’Assemblée d’Angora pour s’opposer à toute cession territoriale. Or, la petite République d’Erivan qui ne possède que 9.000 kilomètres environ de terres arables arrive à peine à nourrir les deux tiers de sa population, tandis que plus du tiers ne subsiste que grâce à l’assistance du Near East Relief, du Lord Mayor’s Fund et d’autres institutions de bienfaisance. Il est donc matériellement impossible de réunir dans ce territoire tous les réfugiés arméniens. « En conséquence, la question arménienne ne saurait être résolue en dehors du détachement de la Turquie, sous telle ou telle forme, d’une partie au moins des territoires de l’Arménie turque. En l’espèce, le Pacte de l’Assemblée nationale d’Angora ne saurait prévaloir contre le Pacte de la Société des nations, ni contre les engagements pris tant de fois envers les Arméniens par les Puissances alliées ». Les Arméniens se rendent cependant bien compte qu’ils ne peuvent espérer une réalisation complète de ces promesses. « Il semble inopportun aux Délégations d’insister sur l’exécution intégrale de la sentence arbitrale du Président des États-Unis rendue à la demande même des Puissances ». Le Mémoire accepte trois solutions de la question arménienne.
La première comporterait la constitution d’un Foyer national arménien dans une partie au moins des territoires délimités par la sentence du Président Wilson ; dans ce cas, ce serait la Conférence qui fixerait les limites de ce Foyer, lui assurerait un accès à la mer et lui attribuerait tel ou tel statut. Si cependant cette solution ne pouvait être acceptée, il faudrait revenir à la solution de 1920, consistant à élargir la République d’Erivan par le rattachement d’une partie des régions de l’Arménie turque. Enfin, une troisième solution pourrait être envisagée qui consisterait à créer le Foyer national dans une partie de la Cilicie. Quelque temps après la présentation de leur Mémoire, les délégations arméniennes demandèrent à être entendues par la Conférence. Les Délégués des Alliés à la sous-Commission décidèrent de déférer à ce désir, comme à celui des Bulgares et des Assyro-Chaldéens. Mais, l’audition ayant été inscrite par erreur, semble-t-il, à l’ordre du jour de la sous-Commission elle-même, la Délégation turque déclencha aussitôt des protestations véhémentes. Aussi bien Ismet Pacha, dans une lettre adressée aux trois premiers délégués des Puissances invitantes, que Riza Nour bey, dans une lettre adressée à M. Montagna, Président de la sous-Commission des minorités, déclarèrent d’avance considérer comme nulle et non avenue, au point de vue officiel, la séance de la sous-Commission qui serait consacrée à cette audition. Riza Nour bey, notamment, indiqua dans sa lettre qu’il avait été convenu entre lui et les délégués des Puissances invitantes que les représentants des minorités ne seraient entendus que par eux, à titre privé. Il ajouta que les Arméniens ne sauraient être entendus ni comme sujets turcs ni comme délégués de l’Arménie d’Erivan, laquelle avait résolu par un traité avec la Turquie toutes les questions en litige entre les deux pays. Et le délégué turc termina sa lettre dans ces termes édifiants : « La sous-Commission des minorités prend une forme qui dépasse le cadre habituel de ses délibérations. La délégation turque estime donc qu’elle est justifiée à ne pas prendre part à ces réunions. Dans le cas où le principe serait accepté d’entendre toutes les personnalités privées qui prétendent être déléguées par leurs nations respectives, les délégués du gouvernement de la Grande Assemblée nationale de Turquie auront l’honneur de proposer au même titre l’admission et l’audition de délégations de l’Egypte, de la Palestine, de la Syrie, de l’Irak, de l’Inde, de la Tunisie, de la Tripolitaine, des minorités musulmanes de Yougoslavie, de Roumanie, de Bulgarie et de Grèce, ainsi que les délégués de l’Irlande, qui ne cessent de s’adresser à eux pour faire entendre à la Conférence leurs justes et légitimes revendications »[397]. L’inscription de l’audition des minorités à l’ordre du jour de la sous-Commission, qui avait provoqué les lettres d’Ismet Pacha et de Riza Nour bey, était cependant due à un simple malentendu. Seuls, les Délégués des trois Puissances invitantes reçurent, le 26 novembre, les déclarations des délégations arménienne, assyro-chaldéen et bulgare. M. Gabriel Noradounghian, après avoir rappelé les événements tragiques « qui ont creusé un fossé profond entre Turcs et Arméniens », et la « méfiance absolue et réciproque subsistant entre Turcs et Arméniens », n’eut pas de peine à démontrer l’insuffisance de la solution de la question arménienne, préconisée par Ismet Pacha et consistant dans le simple retour des réfugiés en Turquie. « Seule la création du Foyer national arménien, véritable symbole de la réconciliation des deux éléments, permettrait de jeter un voile sur le passé tragique et douloureux, d’enrayer les haines accumulées et de faire renaître la confiance mutuelle ». M. Noradounghian insista ensuite sur les promesses faites par les Puissances aux Arméniens de Turquie, promesses qui avaient déterminé les Arméniens d’autres pays à former la Légion d’Orient sous les auspices de la France. Il démontra, que la création du Foyer n’était nullement "contraire au Pacte National d’Angora, puisqu’il pouvait être organisé « par l’adoption d’une des modalités dont on trouve les exemples dans nombre de pays et notamment dans les Dominions britanniques ». M. Aharonian rappela que les Turcs détenaient à l’heure actuelle non seulement les provinces arméniennes de Turquie, mais encore presque la moitié des territoires de la République d’Erivan. « Les Turcs, dit-il, justifient cet acte de violence par un traité signé à Kars le 13 octobre 1921. En réalité, il ne s’agit pas d’un seul traité, mais de quatre traités, ceux de Brest-Litovsk en 1918, de Batoum en 1918, d’Alexandropol en 1920 et de Kars en 1921. Les trois derniers ne sont que les diverses éditions du traité de Brest-Litovsk, et tous ont eu comme objectif de nous enlever les territoires sus-mentionnés. Or, le traité de Brest-Litovsk a été annulé par celui de Versailles ; celui de Batoum, par l’armistice de Moudros ; celui d’Alexandropol a été reconnu comme nul et non avenu par la Conférence des Alliés de 1921 à Londres. Quant à celui de Kars, il n’est reconnu par aucune des Puissances alliées et associées ». Revenant à la « revendication aussi modeste que juste » d’un Foyer national arménien en Turquie, M. Aharonian repoussa avec indignation la suggestion d’Ismet Pacha montrant aux 700.000 réfugiés arméniens le chemin du Canada et de l’Australie. « Pas une des puissances, grandes ou petites, qui ont pris part à la grande guerre mondiale, n’a souffert si profondément que le petit peuple arménien. Et tous ces sacrifices lui confèrent le droit imprescriptible de revendiquer sa patrie, si modeste qu’elle soit ». Et il exprima, en terminant, sa conviction que la Conférence ne se séparerait pas sans que justice fût faite aux Arméniens. Le 30 décembre 1922, la Délégation américaine fit au Président de la sous-Commission des minorités une déclaration en faveur du Foyer arménien. « La proposition pour l’établissement d’un territoire autonome, afin de donner un refuge aux Arméniens, dit la déclaration, a suscité le plus profond et sympathique intérêt de grands groupements de citoyens des États-Unis. Il ne peut pas être oublié non plus que les Puissances alliées ont, à différentes occasions, déclaré qu’un Foyer national pour les Arméniens était une sage mesure de justice et de sécurité ». La Délégation américaine remit en même temps au Président de la sous-Commission deux Mémorandums émanant d’organisations américaines plaidant la cause du Foyer arménien, l’un signé par MM. Barton et Peet, représentants du Conseil fédéral des Eglises protestantes d’Amérique, l’autre par M. George R. Montgomery, au nom de la Société Armenia-America. Ce dernier Mémorandun contenait des suggestions très pratiques et détaillées sur l’organisation du Foyer. Tout en laissant à la sous-Commission la tâche de déterminer définitivement le meilleur emplacement du Foyer, M. Montgomery se prononçait cependant en faveur de l’établissement du Foyer dans une zone au Nord de la Syrie et qui ne serait autre que celle cédée par la France à la Turquie par le traité d’Angora. Les arguments que M. Montgomery mit en avant pour son projet étaient les suivants : « il y aurait avantage pour la paix dans toute cette région, s’il existait une zone neutre entre la Turquie et la Syrie : il serait facile de persuader les réfugiés à aller s’installer dans ce territoire ; ce territoire a un accès direct à la mer ; si la partie de la zone qui se trouve à l’Ouest de l’Euphrate peut être élargie du côté de Sis et d’Albistan, en compensation de la partie à l’Est qu’on abandonnerait à la Turquie, il y aurait un territoire avec des frontières neutres, comprenant 18.000 milles carrés, dont le détachement ne pourrait affecter le développement intérieur de la Turquie ; en Amérique, on s’attend en général à ce que ce territoire soit autonome, sous l’administration de la Société des Nations ». M. Montgomery pensait que le nombre total d’immigrants qui voudraient s’installer dans un territoire pareil serait entre 2 et 300.000. Il préconisait la neutralité du Foyer reconnue par toutes les puissances, ce qui permettrait de se passer d’une armée et de se contenter d’une petite gendarmerie pour le maintien de l’ordre public. Enfin, en ce qui concerne les finances du Foyer, M. Montgomery faisait la très juste remarque que les Puissances alliées qui oui mis en avant le projet du Foyer, aussi bien que la Société des Nations qui l’a appuyé, ont dû prendre m considération ce côté de la question. Mais M. Montgomery annexait en même temps à son Mémorandum un télégramme annonçant la présentation au Congre : ; américain du projet de loi suivant : « Pouvoir est donne au Président de prêter au Trésor une somme de 20 millions de dollars, pourvu que la Conférence de Lausanne prenne des dispositions territoriales adéquates pour le Foyer national arménien ». La séance décisive pour le sort du foyer arménien fut la séance de la sous-Commission des minorités du 6 janvier 1923. À cette séance, le Président de la sous-Commission, M. Montagna, ouvrit la discussion par un long discours destiné à la Délégation turque, qui n’avait pas assisté à l’exposition faite par les représentants arméniens. Ce discours sonnait déjà comme le glas funèbre dos aspirations arméniennes[398]. Le Président reconnut la nécessité de trouver une solution à la question arménienne « à laquelle l’opinion de tous les pays s’intéresse d’une manière spéciale et qu’on ne pouvait d’aucune façon mettre de côté quand tout le monde attend que la Conférence de Lausanne assure définitivement une existence tranquille et pacifique aux populations arméniennes ». Mais il s’empressa aussitôt de rassurer les Turcs : « Nous sommes convaincus, poursuivit-il, de la nécessité de respecter de la manière la plus complète l’indépendance, la souveraineté, l’intégrité territoriale de la Turquie et ce ne peut pas être notre intention de proposer ici une solution qui puisse, même légèrement, être en contraste avec les principes que nous avons pris comme base de toutes nos discussions ». L’idée d’un Foyer arménien doit-elle alors être abandonnée ? Il faut s’entendre, dit M. Montagna, car on s’est mépris sur la signification de ce terme. « Les Puissances alliées ont proposé plusieurs fois la constitution d’un Foyer national en Turquie, bien qu’on ait donné à cette expression une signification beaucoup plus large que celle qui était aussi bien dans leurs intentions que dans les nécessités réelles de la protection des Arméniens. Le Foyer arménien en Turquie, suivant les Alliés, devait consister simplement dans la faculté accordée à tous les éléments de la population arménienne de se concentrer et de se réunir, tout en sauvegardant la liberté des décisions individuelles, dans une partie déterminée du territoire turc. Cette concentration des éléments de la population arménienne ne devrait naturellement pas arriver à constituer un État dans l’État, mais elle serait uniquement destinée à leur permettre de jouir plus facilement de certaines mesures qui devraient garantir la conservation de leur culture et de leur langue ». Mais quel serait le statut d’un pareil foyer ? M. Montagna cita l’autonomie accordée aux Ruthènes de la Tchécoslovaquie par le traité des Puissances alliées avec cette dernière, mais seulement pour déclarer que les Arméniens ne jouiraient point de semblables libertés. « Nous ne demanderons pas, comme nous avons fait en faveur des Ruthènes de Tchécolovaquie, une diète autonome qui exerce, des pouvoirs législatifs, mais un simple régime local qui, tout en sauvegardant d’une manière complète l’unité de l’État turc, permette aux Arméniens de conserver leurs anciennes coutumes. Le Foyer arménien ne serait pas de cette façon un territoire fermé aux autres habitants des territoires turcs, ni soustrait à l’administration turque, mais seulement un point de concentration pour les Arméniens éparpillés dans le monde ». Quant à la question de la localité qui pourrait être choisie dans ce but, le Président de la sous-Commission exprima l’avis qu’elle devrait être séparée des négociations de paix, « afin qu’il soit bien clairement établi vis-à-vis de l’opinion publique turque et de celle de tous les pays, que nous ne voulons aucunement placer cette question sur le terrain politique, mais que nous l’envisageons uniquement sous son véritable caractère qui est un intérêt humanitaire. Les Alliés, par conséquent, ne demandent à la Turquie que de vouloir examiner et résoudre cette question d’accord avec la Société des Nations, à laquelle la Turquie participera après la conclusion de la paix, et qui est sans doute l’organe le plus indiqué pour satisfaire les exigences de l’opinion publique mondiale sans porter la moindre atteinte aux plus délicates susceptibilités de la Turquie. Si la Turquie voulait accepter ce principe général, de consentir que la population arménienne puisse se concentrer dans une localité déterminée de son territoire et de choisir cette localité d’accord avec la Société des Nations, il nous resterait seulement à déterminer dans les grandes lignes les conditions spéciales de l’administration locale, qui seraient plus tard fixées en détail par la Société des Nations elle-même ». Le représentant de la Grande-Bretagne, sir Horace Rumbold, s’exprima dans le même sens que M. Montagna, et le représentant français, M. de Lacroix, allait prendre à son tour la parole lorsque le Délégué turc, Riza Nour bey, souleva un violent incident. Dans un langage des moins mesurés, il déclara que si les Alliés étaient certainement dans leur rôle en défendant les Arméniens qu’ils avaient perdus en les excitant à la rébellion contre les Turcs, lui, pour sa part, se refusait à prendre part à une discussion quelconque sur la question arménienne. Après quoi, le délégué turc, en proie à une violente colère, quitta la séance de la sous-Commission[399]. Dans le rapport que M. Montagna, Président de la sous-Commission des minorités, présenta à lord Curzon, Président de la première Commission, la question arménienne figure sous la rubrique des questions non résolues. M. Montagna y constate qu’avec l’appui efficace de ses collègues il avait attiré l’attention de la Délégation turque sur la nécessité de donner une solution à la question arménienne, en permettant aux Arméniens de se concentrer dans une localité du territoire turc, choisie par le gouvernement turc lui-même, d’accord avec la Société des Nations, mais que la Délégation turque avait opposé un refus net à cette proposition[400]. À la première Commission qui discuta le rapport de M. Montagna sur les minorités, il ne fut plus guère question des Arméniens. À la séance du 9 janvier, lord Curzon se borna à quelques paroles en se rapportant à la démonstration de M. Montagna que « la proposition d’organiser un Foyer national n’impliquait nullement l’intention de porter atteinte à la souveraineté turque, de créer un État dans l’État ou de constituer un régime autonome ». Il s’agissait tout simplement de la création d’une zone déterminée « qui, tout en restant sous la loi turque et sous l’administration d’un gouverneur général turc, fût pour les Arméniens un lieu de rassemblement où ils pourraient maintenir leur race, leur langue et leur culture ». Lord Curzon constata que la Délégation turque avait « rejeté la proposition, même sous cette forme inoffensive » et exprima l’espérance qu’elle ne « maintiendrait pas son refus, trop catégoriquement sur ce point »[401], Ce modeste espoir fut immédiatement déçu. Ismet Pacha maintint en effet, purement et simplement, ses déclarations antérieures[402]. Dans ces conditions, la situation des Arméniens en Turquie d’après le traité de Lausanne se trouva déterminée exclusivement par les dispositions de ce traité sur les minorités (art. 37-45). Or, ces dispositions se sont bornées à reproduire celles des autres traités des minorités conclus par les Puissances[403]. Toutes les variations introduites par le traité de Sèvres ont disparu[404]. De même, on ne retrouve plus dans le traité de Lausanne les dispositions de l’article 149 du traité de Sèvres, qui confirmaient « dans toute leur étendue, les prérogatives et immunités d’ordre religieux, scolaire ou judiciaire, accordées par les Sultans aux races non-musulmanes ». Elles ont été remplacées par l’article 42 contenant l’engagement du gouvernement turc de régler les questions du statut familial ou personnel selon les usages de ces minorités et celui d’accorder sa protection à leurs églises et à leurs établissements religieux et charitables ainsi qu’à leurs fondations pieuses ; les dispositions sur le statut personnel et familial seront élaborées par des Commissions mixtes composées de représentants du gouvernement turc et des minorités, les divergences de vues au sein de ces corps étant portées devant un surarbitre européen[405]. De cette manière, la décision de l’Assemblée d’Angora du 26 novembre 1921 abolissant les anciens privilèges des Patriarcats reçut une confirmation internationale du moins implicite. La Délégation turque finit par accepter l’article typique des traités de minorités, plaçant les stipulations relatives à la protection des minorités sous la garantie de la Société des Nations et déférant tout différend sur ces matières à la Cour permanente de justice internationale. Par contre, elle s’est absolument opposée à la nomination d’un délégué spécial de la Société à Constantinople, malgré l’acquiescement de la Délégation hellénique à accepter la présence d’un semblable représentant à Athènes. Ici encore les Puissances cédèrent aux susceptibilités des Turcs découvrant des atteintes à leur souveraineté dans le simple désir des Puissances « d’avoir une garantie plus complète de l’application des mesures relatives à la protection des minorités »[406]. Il faut, enfin, constater l’absence, dans le traité de Lausanne, de toutes sanctions pour les actes contraires au droit humain, commis par les Turcs pendant la grande guerre, ainsi que de toutes stipulations sur la restitution des personnes ou des biens[407]. Le traité de Lausanne n’a pas reproduit l’article 230 de celui de Sèvres, qui avait prescrit la livraison aux Puissances et le jugement des personnes responsables des massacres commis au cours de la guerre. Et, en ce qui concerne la délivrance des personnes séquestrées et la restitution des biens dont ont été dépouillés les déportés (art. 142 et 144 du traité de Sèvres), les Alliés se sont contentés de s’assurer la reconnaissance, par les Turcs, de l’œuvre déjà accomplie sous leurs auspices, depuis l’armistice ; et encore ont-ils consenti à soumettre à un arbitrage tous les cas dans lesquels cette œuvre pourrait faire l’objet de réclamations de la part de personnes privées. Quant à la poursuite de leur œuvre de restitution, les Puissances y ont renoncé sous la pression turque[408]. Le traité de Lausanne fut signé le 24 juillet 1923. La Délégation de la République arménienne adressa, dès le 13 août suivant, aux Puissances, une protestation solennelle contre cette paix « conclue exactement comme si les Arméniens n’existaient pas ». Voici ce document dont les simples et émouvantes constatations se passent de tout commentaire : « Au lendemain de la Conférence de Lausanne, substituant au traité de Sèvres un acte nouveau où rien ne figure de la question arménienne, la Délégation de la République d’Arménie a conscience d’accomplir un impérieux devoir en soumettant ce qui suit aux Grandes Puissances. La plus éprouvée des Nations belligérantes, celle qui, confiante aux principes proclamés par les Alliés, sacrifia le tiers de sa population totale pour la cause de son indépendance, voit aujourd’hui l’isolement et le silence se faire autour d’elle. C’est pourtant en exécution des engagements les plus solennels des Puissances alliées envers les Arméniens, et en compensation de ses sacrifices, que furent conçues les clauses du traité de Sèvres concernant l’Arménie. Car, parmi les peuples qui se sont battus pour la justice et la liberté, il n’en est aucun qui ait, proportionnellement, payé aussi cher son droit à l’indépendance. S’il est vrai que la paix générale n’a pas eu pour conséquence de résoudre tous les problèmes issus de la guerre, il n’en est pas moins certain qu’aujourd’hui la nation arménienne demeure la seule dont la situation se soit aggravée au delà de toute hypothèse, la seule entièrement exclue des bénéfices de la victoire, la seule enfin qui ait connu toutes les formes et toutes les conséquences de l’abandon. Sans parler du sort des Arméniens qui subsistent encore en Turquie, ni des Arméniens qui sont soumis au régime bolchevique et dont le nombre s’élève à plus de deux millions, il en existe, présentement, plun d’un million encore, disséminés à travers le monde, sans foyer, souvent sans gîte, vivant au jour le jour, en partie décimés par les maladies et les privations, dans des camps de réfugiés, en partie errants à la recherche de leur subsistance, tolérés plutôt qu’accueillis dans la plupart des lieux où le sort les a jetés, en proie aux dernières souffrances humaines. C’est à peine si un dixième de la nation jouit d’une situation normale, vivant du fruit de son travail. Le reste semble voué à la fortune des nomades, privé de statut légal et de protection. Les Arméniens originaires de Turquie ne sont point autorisés à y rentrer, ni à reprendre possession de leurs biens ; les orphelins, par dizaines de milliers, sont dépossédés de tout héritage ; ainsi et quel que soit le passé de l’intéressé : homme, femme, mineur, il lui suffit d’être Arménien pour se voir mettre hors la loi. Ni réparations, ni restitutions, ni réintégration dans la commune mesure : telle est la formule caractérisant la situation des Arméniens. Quant à leur patrimoine national, qui se composait d’immeubles, de biens religieux, séminaires, couvents, monastères, institutions scolaires, bibliothèques, collections d’objets antiques, dépôts en numéraire, etc., et dont la valeur atteint des milliards, avec les biens des particuliers, il a été détruit, pillé et spolié. L’Administration turque s’est appropriée le reste. Il importait de rappeler sommairement ces faits pour l’illustration de la tragédie arménienne, trop tôt ensevelie dans l’oubli. Or toutes ces questions, ainsi que de nombreuses autres qui en découlent ou qui y sont connexes et dont l’importance pratique n’est pas moindre, restent en suspens. Il en résulte que, sous le rapport arménien, la paix de Lausanne dérive d’une fiction : elle est conclue exactement comme si les Arméniens n’existaient pas. Elle les ignore et les passe sous silence. Cependant le silence, à quelque point de vue qu’on le considère, n’est pas une solution. Le traité de Lausanne, laissant en suspens le sort des peuples d’Orient, ne sert ni la paix ni la justice. Dans ces conditions, la Délégation, signatrice du traité de Sèvres, fait toutes réserves quant au maintien et à la défense des droits que les Puissances ont, avant et pendant la guerre, reconnus solennellement aux Arméniens et qui furent consacrés par le susdit traité et des Conférences subséquentes. Quelque accueil que puisse trouver, en ce moment, une protestation solennelle, la Délégation, respectueuse du mandat qu’elle tient de la nation arménienne, a pour strict devoir de s’élever, de toutes ses forces, contre l’acte de Lausanne. Elle s’en remet à l’Histoire du soin de le juger ».
Voici le texte de la réponse de M. Poincaré à M. Aharonian, datée du 17 novembre 1922 :
Monsieur le Président, Vous avez bien voulu me faire part du désir de la Délégation de la République arménienne d’être représentée, sous la forme la plus appropriée, à la Conférence qui doit se tenir prochainement en vue du rétablissement de la paix en Orient. J’ai honneur de vous faire savoir qu’en raison de la forme soviétique adoptée par la République d’Arménie, État dont l’indépendance a été déjà reconnue de jure, le gouvernement français regrette de n’être pas en mesure d’appuyer la demande de l’Arménie de participer à la prochaine Conférence de paix ou de signer le traité de paix. La situation de l’Arménie a été examinée avec soin à la Conférence réunie à Paris au mois de mars dernier, non seulement en ce qui concerne l’Arménie en particulier, mais également en ce qui concerne la protection des minorités en général. Les gouvernements alliés n’ont connaissance d’aucun fait nouveau qui infirme les conclusions générales auxquelles ils sont arrivés à cette époque et qui constitueront sans doute la base des discussions quand la question sera abordée dans la préparation des traités à conclure. Au cas où, au cours de ses travaux, la Conférence estimerait désirable de consulter l’opinion arménienne sur l’un de ces points, une invitation serait adressée par la Conférence à la Délégation nationale arménienne à Paris, qui aurait à comprendre des représentants des Arméniens de Russie et de Turquie. Agréez, Monsieur le Président, les assurances de ma haute considération. (Signé) POINCARE
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LES PRÉTENTIONS DES SOI-DISANTS EXPERTS EN ARMÉNIE ORIENTALE