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 MOUCH/RECIT D'UN TEMOIN/LES CARAVANES DE LA MORT !

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tagyhi

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MessageSujet: MOUCH/RECIT D'UN TEMOIN/LES CARAVANES DE LA MORT !   MOUCH/RECIT D'UN TEMOIN/LES CARAVANES DE LA MORT ! Icon_minitimeSam 21 Nov - 1:52

AU PAYS DE L'EPOUVANTE
L'arménie Martyre
H. Barby
page 63

Mai 1916

Les caravanes de la mort ! Tel est bien le qualificatif exact qui convient aux lamentables troupeaux des déportés, épargnés par les premières tueries, s'en allant, dépouillés, épuisés, poussés par leurs bourreaux, vers l'exil et vers le massacre.
Quelques uns d'entre eux ont miraculeusement réussi à échapper aux assassins, à s'évader de ces sinistres troupes de victimes errantes et condamnées...
J'en ai interrogé plusieurs, mais le cauchemar de leurs souvenirs les obsèdes et les effare. Ils n'osent même l'évoquer. Une stupeur hagarde marque uniformément leurs visages et il faut insister, les mettre en confiance, pour qu'ils se décident à raconter les scènes d'horreur qu'ils ont vécues, et ils ne le font qu'à voix basse, en tremblant, en jetant autour d'eux des regards éperdus, comme si la mort et les supplices les menaçaient encore.

Voici l'un des plus saisissant récits qu'ils me firent :

"Je suis de la vallée de Mouch (située au sud d'Erzeroum, entre cette ville et Bitlis), m'a dit l'un d'eux. Toute les familles déportées de cette région ont été massacrées en chemin et jetées dans l'Euphrate. Parmi ces familles se trouvait la mienne : ma mère et mes trois soeurs avec leurs petits enfants !
Je n'ai appris leurs morts que plus tard. J'avais échappé à la déportation et j'étais caché dans la forêt de Saint-Garabed, où s'étaient réfugiés tous ceux qui, comme moi, avaient pu s'enfuir.
Une nuit, une femme est arrivée jusqu'à nous. Elle avait un enfant dans les bras, elle était à demi nue, elle se trainait en gémissant et elle était si maigre et si pâle, que nous avons cru qu'elle était morte et que c'était son spectre qui nous apparaissait. Mais elle a parlé. Elle a dit "du pain !". Elle mourait à la fois de fatigue et de faim. Nous n'avions pas de pain, mais seulement du blé en grains que nous faisions griller. Nous lui en avons donné avec un peu de lait caillé désséché... Après, elle a raconté son histoire :
"Elle était du village de Kheybian, et appartenait à l'une des familles déportées. Les autorités turques avaient rassemblé les femmes et les enfants des vilages de Sordar, de Bazou, d'Assanova, de Salégan, et de Kvars, dans le couvent de Saint-Garabed (lieu de pèlerinage près de Mouch. La légende veut que le couvent ait été construit sur l'emplacement d'un temple d'Anahit, la grande déesse protectrice de l'Arménie Païenne).
Tous furent tenus enfermé pendant cinq jours. Apres, en les réunissant aux femmes et aux enfants de Meghti, de Paghlou, d'Ourough, de Ziyaret et de Kheybian, on les dirigea vers la route du pont de l'Euphrate en leur adjoignant encore les familles des villages de Tom, d'Herguert, de Norag, d'Alatin, de Goms, de Khachkhaltoukh, de Souloukh, de Khoronk, de Kardzor, de Ghézélaghatch, de Gomer, de Chekhlan, d'Avzaghbour, de Blel, de Kourtméïdan. Cela faisait en tout, à peu près dix mille femmes et enfants.Des les premiers jours (nous dit celle qui s'était réfugiée avec nous dans la forêt), les durdes, qui nous escortaient, commencèrent à abattre les plus vieilles et les plus faibles qui ne pouvaient pas marcher. La vie de chacun dépendait uniquement du caprice des gardiens. Celles qui furent massacrées les premières furent les plus heureuses. Chaque soir, à chaque étape, ils violentaient, sous les yeux des autres, celles d'entre nous qui leur plaisaient. Je les ai vu prendre ainsi des petites filles de huit à dix ans tout au plus !
Ces horribles scènes se teminaient, chaque fois, par l'assassinat d'un certain nombre d'entre nous, celles qui résistaient et qu'ils abattaient à coup de fusil ou de sabre. Tantôt ils tuaient les enfants quand ils voulaient enlever la mère, tantôt ils les jetaient simplement sur le côté de la route : ceux qui savaient marcher suivaient ou s'accrochaient aux jupes d'une autre femme ; les tous petits restaient là et mouraient le lendemain, ou le surlendemain. Quiconque voulait les prendre et les porter était impitoyablement frappé.
Ainsi, en pleine terreur, notre caravane immense avançait lentement, jalonnant la route de cadavres...
Chaque fois que nous approchions d'un village kurde, les hommes et les femmes nous entouraient et nous arrachaient ceux de nos vêtements qui leur convenaient. Bientôt nous fûmes toutes à demi nues...
On distribuait tous les deux jours, un peu de pain, mais il n'y en avait pas pour tout le monde et, quand les provisions que nous avions emportées furent finies, il fallut, pour manger, arracher les épis dans les champs de blé, le long de la route.
Beaucoup, ne pouvant supporter le manque de nourriture, moururent defaim ou de faiblesse. Du matin au soir, il fallait marcher sous le soleil torride d'été, qui nous brûlait, et sans rencontrer d'eau buvable, parfois pendant des journées entières. Nous étions folles de soifs ! Quand on rencontrait une source, on se battait et on se piétinait pour boire à la hâte, car il était défendu de sarrêter. Les premières arrivées réussissaient à se désaltérer, mais les suivantes ne trouvaient plus qu'une eau bouheuse, souillée par la cohue qui se pressait et se battait autour de la source. Combien d'enfants tombèrent et furent écrasés dans ces bousculades, tandis qu'à coups de sabre, nos gardiens turcs ou kurdes chassaient ceux qui s'attardaient.
Chez certaines d'entre nous, l'horreur et l'angoisse continuelles avaient annihilé jusqu'au sentiment maternel. Dans l'affolement, dans la torpeur qui pesaient sur nous toutes, plusieurs mères épuisées de fatigue, de faim et de soif, commencèrent à abandonner, sur la route, leurs enfants qu'elles ne pouvaient plus porter.
La condition des mères qui avaient plusieurs enfants était particulièrement terrible. Celle qui en sauvaient un étaient considérées comme des heureuses et comme ds vaillantes.
Quelques unes d'entre nous réussirent à échapper à la surveillance féroce des gardiens et à se cacher dans les champs de blés, avec l'idée qu'elles pourraient ensuite se réfugier dans les montagnes du Sassoun. Beaucoup se sont noyées en voulant traverser l'Euphrate...
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MessageSujet: Re: MOUCH/RECIT D'UN TEMOIN/LES CARAVANES DE LA MORT !   MOUCH/RECIT D'UN TEMOIN/LES CARAVANES DE LA MORT ! Icon_minitimeSam 21 Nov - 2:04

Suite...

"J'ouvre ici une parenthèse : Des kurdes de la région, que j'ai personnellement interrogés, m'ont raconté que les "tchétas" avaient traqué et rassemblé ces malheureuses, cachées dans les champs de blé de Kourdmeïdan et de Chekhlan, et qui, avec leurs enfants, étaient au nombre d'environ cinq cents. Sur l'ordre de Téchid pacha, elle furent conduites au village de Chekhlan, où on les parqua dans quelques bâtiments sevant de granges et d'abris, à l'extrémité du village. Déjà, elles se réjouissaient d'avoir échappé à la torture de la route infernale, quand Réchid pacha donna un nouvel ordre.
Quand le soir vint, quand les portes des granges furent fermées, quand, à demi-confiantes, les mères, épuisées de fatigue, commencèrent à s'endormir avec leurs enfants couchés sur lesurs bras, les kurdes amoncelèrent des bottes de paille autour des bâtiments, puis, tranquillement, uy mirent le feu. En quelques minutes tout flamba.
S'imagine t'on le reveil brusque et terrible des malheureuses ! Elles se ruèrent vers les portes fermées, elle se déchirèrent les mains contre les murs. Des cris effroyables, des hurlements de souffrances retentirent dans la nuit. Puis tout cessa. Cins cents femmes, avec leurs enfants, étaient mortes, brûlées vives...
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MessageSujet: Re: MOUCH/RECIT D'UN TEMOIN/LES CARAVANES DE LA MORT !   MOUCH/RECIT D'UN TEMOIN/LES CARAVANES DE LA MORT ! Icon_minitimeSam 21 Nov - 2:17

...

"Je reprends le récit de l'Arménienne :

-Quand à moi, je n'ai pas essayé de m'enfuir. J'avais quelques piastres et j'espérais pouvoir arriver à vivre.
Lorsque nous avons eu franchi les montagnes de Khozmo
, ceux qui nous conduisaient quittèrent la direction du sud et nous poussèrent vers l'ouest, le long de l'Euphrate. Dans le pachalik de Kindg, notre escorte fut changée. Nos nouveaux gardiens se montrèrent plus féroces encore queles anciens, et, avec eux, nous arrivames dans le district de Tchabaghjour.
La route suivait une vallée très profonde et très encaissée, pui nous débouchâmes dans une petite plaine, bordée par l'Euphrate. O surprise ! on nous ordonna de nous arrêter poru nous rassembler.
Nous étions là, depuis une demi heure à peine, savourant le court répit qui nous était accordé, les mères baignant les pieds endoloris de leurs enfants, quand, venant de la direction de Thchabaghdjour, parut soudain une bande de kurdes nombreuses. Ils nous entourèrent, et, tout à coup, ils se mirent brusquement à tirer sur nous, dans le tas, avec leurs fusils, en meme temps qu'ils nous criaent un ordre horrible : sautez dans le fleuve ! sautez !...
Le crépitement des fusils couvrait nos hurlements de terreur, nos cris de souffrance et de déssespoir. Presque toutes les balles portaient dans la foule de femmes et d'enfants qui se bousculaient en pleine folie. Beaucoup d'entre nous obéirent à l'ordre que les kurdes ne cessaient de nous cier etse jetèrent dans l'Euphrate. Je me jetais moi meme dans l'eau.
A ce moment, la fusillade redoubla. Les têtes, à la surface de l'eau, servaient de cible aux bons tireurs. Cependant je n'avais pas laché mon enfant et, comme je sais bien nager, je pus, en le soutenant hors de l'eau, me laisser porter par le courant, au molieu d'une masse de cadavres qui flottaient et me chachaient. Les kurdes ne me virent pas et je réussis à atteindre l'autre rive et à me réfugier dans les broussailles"
...[/b]
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