COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME
N° 522
1° CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME
Article 5.1 - Privation de liberté - Voies légales - Arrestation en dehors du territoire d'origine - Ordre des juridictions de l'Etat d'origine - Souveraineté de l'Etat d'accueil non violée - Compatibilité
2° CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME
Article 5.3 - Droit d'être aussitôt traduit devant un juge - Garde à vue - Durée - Sept jours au moins - Incompatibilité
3° CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME
Article 6.3 - Droits de la défense - Assistance par un défenseur - Difficultés - Accès au dossier - Difficultés - Incompatibilité
4° CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME
Article 3. - Traitement inhumain - Procès inéquitable - Issue - Peine de mort - Condition suffisante
X..., ancien dirigeant du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), arrêté au Kenya par des agents turcs en février 1999, a été, en juin 1999, par la Cour de sûreté de l'Etat turc, reconnu coupable d'avoir formé et dirigé une bande de terroristes armés en vue d'obtenir la sécession d'une partie du territoire turc et condamné à mort.
La Turquie a aboli, en août 2002, la peine de mort en temps de paix et la condamnation a été commuée en réclusion à perpétuité.
Statuant sur requête de M. X..., la Cour a notamment décidé :
1° L'arrestation et la détention du requérant se sont déroulées conformément aux ordres émanant des juridictions turques et, comme prévu par l'article 5.1 c) de la Convention, en vue de le conduire devant l'autorité judiciaire compétente sur la base de raisons plausibles de le soupçonner d'avoir commis une infraction.
En outre, il n'est pas établi au-delà de tout doute raisonnable que l'opération menée en partie par les agents turcs et en partie par les agents kenyans aurait constitué une violation par la Turquie de la souveraineté du Kenya et, par conséquent, du droit international.
Il en résulte que l'arrestation du requérant et sa détention doivent être tenues pour conformes aux voies légales au sens de l'article 5.1 de la Convention. Partant, il n'y a pas eu violation de cette disposition.
2° Le requérant a passé au total au moins sept jours en garde à vue avant d'être traduit devant un juge. Il n'était pas nécessaire de le détenir pendant autant de temps avant qu'il ne soit entendu par un magistrat. Dès lors il y a eu violation de l'article 5.3.
3° Le requérant n'était pas assisté par ses avocats lors de son interrogatoire durant la garde à vue, il n'a pu communiquer avec eux hors de portée d'ouïe de tiers, il a été dans l'impossibilité d'accéder directement au dossier jusqu'à un stade très avancé de la procédure, des restrictions ont été imposées au nombre et à la durée des visites de ses avocats, et ceux-ci n'ont eu un accès approprié au dossier que tardivement.
L'ensemble de ces difficultés a eu un effet global tellement restrictif sur les droits de la défense que le principe du procès équitable énoncé à l'article 6 a été enfreint. Il y a donc eu violation de l'article 6.1 combiné avec l'article 6.3 b) et c).
4° Le fait de prononcer la peine de mort à l'encontre du requérant à l'issue d'un procès inéquitable s'analyse en un traitement inhumain contraire à l'article 3.
Première section, 12 mars 2003.
Aff. X... c/ Turquie.
A rapprocher :
sur le n°1 : C.E.D.H., 12 octobre 1989
sur le n°2 : C.E.D.H., 29 novembre 1988.