Interview de Monsieur Armenag Aprahamian à Arm.am, le 30 juillet 2010
Selon le droit international la priorité est donnée aux peuples autochtones
ArmAr.am a réalisé une interview de M. Arménag Aprahamain, membre du Conseil national des Arméniens d’Arménie Occidentale, vétéran de la guerre d’Artsakh et représentant au Congrès des peuples autochtones à l’Organisation des Nations Unies.
Nous savons que du 12 au 16 juillet à Genève, les membres du Conseil National des Arméniens d’Arménie Occidentale, dont vous êtes le président, a participé à la 3eme session du mécanisme d’experts pour les droits des peuples autochtone à l’ONU. Cette fois ci quel programme les Arméniens d’Arménie Occidentale ont-ils présenté devant l’organisation des Nations Unis ?
Le Conseil National des Arméniens d’Arménie Occidentale est effectivement enregistré à l’Organisation des Nations Unies. Notre délégation s’est présentée cette année avec les dossiers suivants :
- « L’origine du peuple Hay (Arménien) »
- « Arménie Occidentale, les destructions et expropriations des biens du peuple et des monuments historiques »,
- « Le Génocide des Arméniens : les documents et les traités »,
- « Les ressources génétiques des Arméniens d’Arménie Occidentale».
Le premier jour de la session, en qualité de chef de la délégation des Arméniens d’Arménie Occidentale à l’ONU, mon discours a porté sur les problèmes relatifs aux relations entre les peuples autochtones et les Etats. C’étaient les principales questions de la session.
Dans mon discours j’ai également parlé des destructions des monuments en Arménie Occidentale et au Nakhidjevan.
Il faut noter que nous présentons nos droits et nos exigences comme un peuple autochtone devant les experts des Nations Unies et les Etats membres de l’Organisation des Nations Unies.
Il faut tout faire, pour que ces derniers acceptent nos droits reconnus par l’ONU. Comme je l’ai déjà souligné, cette fois, le thème concernait la relation entre les peuples autochtones et les Etats, et aussi l’utilisation des ressources génétiques.
C'est-à-dire : il fallait pouvoir préciser à qui appartiennent les droits reconnus par l’ONU - aux peuples autochtones où aux Etats ? C’est la question la plus importante.
Conformément aux droits internationaux la priorité est accordée aux peuples autochtones. C’est-à-dire que, le propriétaire du territoire est le peuple autochtone, et si l’Etat a des objectifs sur ce territoire, il est obligé de faire une demande aux représentants des peuples autochtones pour obtenir son consentement, et seulement après l’Etat a le droit de mettre en œuvre un programme sur ce territoire.
Il faut noter que tout ce que je vous dis est inscrit dans la déclaration des Nation Unies, mais il y a une condition ; la déclaration de l’ONU n’est pas obligatoirement contraignante, mais sur cette base de la déclaration différentes conventions ont été adoptées, et les Etats sont obligés de les mettre en application.
Par conséquent, les États sont obligés de respecter ces conventions, sinon les peuples autochtones ont le droit de faire appel devant une Cour internationale pour protéger leurs droits.
Aujourd’hui, nous luttons dans la sphère de ces droits. Et quand je dis que le propriétaire réel de l'Arménie Occidentale, ce sont les Arméniens en tant que peuple autochtone, ce n'est pas une utopie, mais au contraire, le processus juridique international a des motifs sérieux, nous pouvons dire la même chose pour le Djavakhk, et le Nakhitchevan. A l'Organisation des Nations Unies nous nous présentons devant la Turquie et l’Azerbaïdjan, avec ces droits de représentation officielle.
Comment les représentants des autres pays à l’ONU réagissent aux exigences du Conseil National des Arméniens d’Arménie Occidentale ?
Nos exigences sont tout à fait claires et compréhensibles.
Cette fois la délégation des Arméniens d’Arménie Occidentale a été accueillie à l’ambassade d’Arménie en Suisse où nous avons débattu d’importantes questions d’intérêt national.
Nous avons rencontré le rapporteur spécial des questions des peuples autochtones aux Nations Unies James Annaya à qui nous avons présenté notre problématique.
Notre délégation a eu l’occasion de présenter la musique nationale, le chant et la danse arménienne accompagnée de la mélodie de doudouk devant plus de 300 délégués qui ont été ravis. Les mélodies ont été jouées par un jeune arménien Hayk Goutchyan.
Le lendemain, nous avons rencontré les dirigeants de la communauté arménienne de Suisse qui étaient spécialement venue de Berne à Genève pour nous voir.
Nos délégués ont eu une participation active dans toutes les activités de la session en présentant deux propositions, dont l'auteur de la première est l’historien Artak Movsisyan.
Artak Movsisyan a proposé de créer au sein du MEDPA à l’ONU un comité spécial d’experts indépendants, qui pourraient discuter des problèmes des peuples autochtones déplacés et accomplir la mission d’intermédiaire entre les peuples exilés et les gouvernements actuels du territoire dont ils ont été exilés. Dans ma proposition j’ai parlé de retour dans leur territoire des peuples autochtones et les détails concernant sa réalisation.
Aujourd'hui, la Turquie tente de présenter les Arméniens d’Arménie Occidentale comme les Arméniens de la Turquie. Notre problème est de préciser la vérité devant le monde entier.
Nous ne disons pas que nous sommes seulement des citoyens de l'Arménie Occidentale, mais nous constatons que nous sommes des Arméniens d’Arménie Occidentale. Nous ne parlons pas seulement d’une citoyenneté, mais d’une nationalité.
C'est pourquoi dans les cartes d’identité que le Conseil National d’Arménie Occidentale délivre à ses membres, il est noté Arménien d’Arménie Occidentale.
Pour avoir l’air d’une nation civilisée devant l’Europe, et devenir membre de l’UE, la Turquie déclare qu’elle restaure les églises arméniennes, mais en réalité, elle fait tout le contraire en organisant la destruction des monuments en propageant des rumeurs sur les richesses des Arméniens.
Quelles démarches faites-vous pour défendre les valeurs culturelles ?
"La Turquie est un pays qui a signé et ratifié la déclaration des peuples autochtones. Oui, elle a pour obligation soit de restaurer nos monuments historiques, soit de nous donner la possibilité des les restaurer, mais en réalité, elle crée l'impression de prendre des mesures en ce sens, une église sur des milliers.
Dernièrement elle a essayé de faire plusieurs changements positifs pour mettre en œuvre les revendications des Kurdes: Je suis sur que les avancées de la Turquie pour accomplir les revendications culturelles des Kurdes sont liées au mouvement des Arméniens d’Arménie Occidentale.
La Turquie ne reconnaît pas les minorités ethniques, mais elle reconnaît les minorités religieuses, le gouvernement turc tentent ainsi de présenter les Arméniens comme une minorité religieuse, qui a clairement un but : Si nous sommes une minorité religieuse, il s'avère que les 40 000 Arméniens d'Istanbul, se présentent comme les Arméniens de la Turquie.
Nous les Arméniens en tant que peuple autochtone pouvons avoir différentes religions y compris l'islam, mais nous sommes une seule nation : Arménienne. La Turquie vise à séparer, et perturber le peuple arménien, en le présentant comme une minorité religieuse. Ainsi il sera plus facile de garder les Arméniens islamisés loin de la conscience nationale et des problèmes nationaux.
Cependant, la politique séparatiste de la Turquie n'est plus valable, parce que nos compatriotes islamisés se reconnaissent comme peuple autochtone de l'Arménie Occidentale et ils réalisent qu’ils ont des droits spécifiques dans leur patrie.
Votre avis concernant la décision du tribunal de La Hague à propos de la reconnaissance de l'indépendance du Kosovo. Peut-elle devenir un précédent pour reconnaître l'indépendance du Karabakh ?
- J’ai une autre opinion sur cette question, Nous devons tenir compte du fait que la question du Kosovo a été créée par les grandes puissances tandis que l’Artsakh a une autre histoire. L’indépendance du Kosovo et de l'Artsakh a des mécanismes très différents.
Je vais vous raconter une histoire qui s'est passé à l'Organisation des Nations Unies. Nous étions avec l’historien Artak Movsisyan quand un représentant de l'Azerbaïdjan s’est approché de nous et a commencé à se plaindre, parce que dans mon discours j’ai parlé des khatchqars de Djulfa et de Nakhidjevan. Monsieur Movsisyan lui a proposé de nous montrer une seule carte géographique ancienne où l’Azerbaïdjan serait présent comme un Etat. Artak Movsisyan possédait un document, où l’historien grec Hérodote et d’autres historiens étrangers parlaient de l’Arménie, tandis que l’Azerbaïdjan ne possède pas une telle preuve. Le représentant de l’Azerbaïdjan n’a pu répondre.
N'ayant pas d'histoire les Azerbaïdjanais depuis longtemps se sont engagés dans la falsification de l’histoire et pour eux ce ne sera pas difficile de créer « une carte ».
Mais ces inventions – là, n’ont pas de base et nous pouvons facilement le démontrer.
Revenons à l’histoire de l'indépendance de l’Artsakh. Par ailleurs, l'Arménie Occidentale est le premier Etat qui a reconnu l'indépendance de l'Artsakh.
Quelques-uns se posent la question, Pourquoi l'Arménie Occidentale reconnaît l'indépendance de l’Artsakh, non pas seulement le droit à l'auto-détermination, parce que les Arméniens d’Artsakh représentent une population autochtone sur leur territoire, et ils ont le droit d’établir leur indépendance après l’agression militaire qu’ils ont vécu.
Mais le seul droit à l'autodétermination peut signifier qu’ils peuvent appliquer ce droit sur le territoire de l'Azerbaïdjan.
Ce que rêve l'Azerbaïdjan ?
- Oui, c'est pourquoi nous ne parlons pas seulement de droit à l’autodétermination, mais de déclaration de l'indépendance de l'Artsakh ?
Comme vous l'avez dit l’Arménie Occidentale a reconnu l'indépendance de la République d'Artsakh, n’est ce pas le moment que l’Arménie Orientale le reconnaisse aussi ?
Bien sûr que l'Arménie en tant qu’Etat indépendant se doit de reconnaître officiellement l'indépendance de l'Artsakh.
- Je veux aborder le problème des territoires libérés, que j’appellerai « Arménie des Montagnes » (Lernayin Hayasdan) et je considère qu’il y a un réel problème. Le terme « territoires libérés » ne signifie rien tandis qu’en disant « l’Arménie des Montagnes » comprenant entre autre Kachatagh et Karvadjar cela précise le lien historique avec le nom porté par Njdeh.
- Aujourd'hui, nos positions sont fortes. L’Arménie des Montagnes (je le répète: je ne dis pas les territoires libérés) a son histoire, son peuple autochtone. Environ 10 000 personnes habitent sur ce territoire, c’est peu, mais ces gens ont des droits. Par conséquent, le droit a l'autodétermination.
Pouvez vous faire un petit commentaire.sur votre déclaration : en disant les territoires libérés vous considérez que ceux-là doivent s’autodéterminer séparément de l’Artsakh ?
- Oui, dans le pire des cas, cette tactique est plus juste. Ce que je dis maintenant, sera plus clair d’ici quelques temps. Nous en reparlerons.
Récemment, vous étiez en Artsakh, quelles sont vos impressions ?
- J’ai fait différentes rencontres où nous avons abordé divers sujets avec nos compatriotes. Ils savent également que dans le contexte politique actuel il est nécessaire qu’il y ait un grand changement, il y a de sérieux problèmes à résoudre ...
- Moi-même, en tant que représentant du Conseil National d’Arménie Occidentale j’en appelle officiellement aux autorités actuelles de l'Arménie Orientale de résoudre le problème d’émigration qui est une chose dangereuse. C’est un problème stratégique d'une grande importance. L’état doit faire tout son possible pour arrêter cette hémorragie, car cela va avoir des conséquences catastrophiques.
On ne peut pas couper la branche sur laquelle on est assis ...
A Latchine, j’ai rencontré le docteur Artsakh Buniatyan, un chirurgien bien connu, un patriote. Pendant la guerre il a sauvé et soigné des centaines de soldats. Il est l’auteur de plusieurs livres. Nous avons parlé du syndrome de la guerre d’Artsakh et je lui ai demandé d’écrire un livre à ce sujet.
C’est un grave problème, nous ne sommes pas en mesure de créer des conditions normales pour nos vétérans, et leur situation sociale est grave. Il est nécessaire de créer des mécanismes pour améliorer leur situation. Nous n'avons pas le droit d'ignorer ces problèmes importants ...
Il y a un an, quand on a déclaré le commencement du processus de l’amélioration des relations arméno-turques vous avez réagi très négativement, considérant cela comme une étape très dangereuse pour les Arméniens : Quel est votre avis aujourd’hui ?
Mon avis n’a pas changé. Vous pensez qu’en ratifiant le Protocole, l’Arménie se sentirait bien ? Bien sur que non. Ils auraient plus de pression sur nous.
J’ai quelque chose d'important à vous dire, que personne n’a dit jusqu’aujourd’hui. Pourquoi la Turquie se dirige vers ce processus ?
La Turquie d’aujourd'hui essaie par tous les moyens d’ignorer les Arméniens de l'Arménie Occidentale. Elle ne veut pas simplement avoir un accord avec les représentants de l'Arménie Occidentale.
Et ils ont trouvé une autre voie: la Turquie a préféré entamer des pourparlers avec les autorités d’Arménie Orientale. Voilà d’où provient la question de protocole. Mais pour nous ce n’est pas un problème, puis qu’il n’y a pas de frontière entre l’Arménie Occidentale et Orientale. Et l’Arménie Orientale n’a pas le droit de reconnaitre cette ligne comme une frontière.
Si l'Arménie Orientale reconnait le fleuve Araks comme frontière, entre les deux parties d’Arménie, ça devient un problème très grave et dangereux pour tous les Arméniens.
Cela signifie que l'Arménie refuse l’existence juridique de ces 4 provinces, Trabzon, Van, Erzurum, Bitlis: Cela signifie que les traités de San Stefano, de Berlin et de Sèvres n’existent pas, qu’il n'y a pas d'Arménie Occidentale et que nous n’avons aucun droit particulier là-bas. En d'autres termes, cela signifie qu’accepter la dite frontière c’est falsifier l'histoire de l'Arménie.
On dit que l’Arménie aura des avantages économiques après l'ouverture de la frontière avec la Turquie, mais je sais bien que la situation sociale de notre peuple ne sera pas modifiée, seuls encore quelques personnes riches pourront en tirer des bénéfices.
Je suis sûr que même si la Turquie décide aujourd'hui de ratifier les protocoles et ouvrir la frontière arméno-turque, demain, de toute façon, elle sera fermée à nouveau parce que il y aura mille et un prétextes pour le faire.
Mais on voit clairement que le processus Arméno-Turque ne peut plus continuer, car il est mort avant même d’avoir existé, parce qu’il n’a pas de fondement juridique.
Vous ne pensez pas qu’il est possible que le processus Arméno- Turque puisse recommencer à cause de stratégies politiques et par l’obligation dictée par les Etats-Unis ?
"Dans ce cas, les États-Unis doivent accepter l’application du mandat de leur président, de Woodrow Wilson seulement après ils auront le droit d’imposer leur point de vue aux deux parties confrontés.
Le mandat de Wilson est un véritable document, un document, si important que les autorités actuelles des États-Unis préfèrent garder le silence. Mais les États-Unis comprennent aussi que les Arméniens d'Arménie Occidentale sont debout et que la situation est entrain de changer, « la machine à laver" qui durant 100 ans a fonctionné pour laver le cerveau des Arméniens d’Arménie Occidentale est usée et morte comme les protocoles: Nous sommes déjà debout et le nouveau processus a commencé.
A. Simonian
ArmAr.am 30.07.10