On a très souvent dit que l’église de l’Hôpital-Saint-Blaise était d’influence mauresque. « Elle est plutôt d’influence arménienne », dément Martine Chéniaux, auteur d’une étude sur le sujet. Preuves à l’appui. « La fameuse coupole, on la dit Cordouane mais c’est faux. En fait, cette coupole est déjà présente au Ve siècle en Arménie et en Perse. Au VIe, elle réapparaît à Byzance, dans la première basilique Sainte-Sophie. Et un siècle plus tard, les mosquées arabes l’adoptent. »
C’est donc par les invasions arabes que ces influences touchent l’Europe. D’abord en Espagne. « Nos maîtres francs se sont inspirés de techniques arabes qui étaient plus perfectionnées que les leurs. Et ils les ont réintroduites sur le versant pyrénéen », ajoute Martine Chéniaux.
L’historienne évoque aussi le portail avancé, dit à redans ou à gradins. « Ici, il y a cinq ébrasements successifs. Cette technique réapparaît en Arménie au Xe siècle et elle va inspirer tout l’art roman du XIIe siècle. Sainte-Engrâce en est un exemple intéressant. Mais ce portail à redans est déjà présent à Sumer (l’actuel Irak) entre - 3 500 et - 4 500 avant Jésus-Christ. » Enfin, le plan de l’église trahit également ses origines selon Martine Chéniaux. « L’abside majeure est plus longue que la nef. »
Le soleil et la lumière
Et Saint-Blaise dans tout ça ? « C’est un évêque d’origine arménienne qui est en grande partie légendaire », pense Martine Chéniaux. Fêtée le 3 février, lendemain de la chandeleur, la Saint-Blaise n’arrive pas là par hasard. « La fête de la chandeleur, c’est la purification de la Vierge. C’est une fête qui couronne le retour de la lumière, d’où les fameux cierges : chandelles, chandeleur. Ça ne correspond pas au solstice mais, dans les populations les plus anciennes, on ne se rendait compte que les jours rallongeaient qu’à partir du mois de février. D’où ces fêtes autour de la lumière. » La purification de la Vierge provient donc de ces rites.
« Les fêtes qui suivent vont être récupérées. On a la Saint-Blaise et la Sainte-Agathe, qu’on relie aussi à la lumière. »
À la Saint-Blaise, des chandelles bénites étaient ainsi ramenées dans les fermes. « On déposait une goutte de cire sur le front ou sur les cornes de manière à les protéger. On retrouve tout ce rituel autour de la lumière qui suit la chandeleur. C’était autrefois un rituel solaire, une tradition qui venait de la nuit des temps. C’est un vieux socle basque qui s’est maintenu », estime Martine Chéniaux.
Auteur : Marcel Bedaxagar
Sud Ouest - Bordeaux,France[img]