09 avril 2005
16 - La formation des Hamidié.
1 – L’article de Maurizio Russo, paru dans la Revue d’histoire arménienne contemporaine (tome I, 1995), porte en titre La formation des régiments de cavalerie kurde hamidié, d’après les documents diplomatiques italiens. Les diplomates italiens notent que c’est à partir des émeutes d’Erzeroum du 20 juin 1890 que le gouvernement ottoman prend la décision de la répression, principalement par la mise en place des régiments hamidié entre 1891 et 1893. Il s’agissait pour Abdul-Hamid II d’embrigader des tribus guerrières kurdes pour en faire un instrument au service de sa politique répressive.
2 – La première phase consista pour le sultan à s’attacher les chefs locaux kurdes ou bey, et, à les faire venir à Constantinople pour qu’ils lui marquent leur soumission. Après s’être fait confectionner des habits brodés par les tailleurs arméniens, être passés à Erzeroum et Erzindjan, accueillis en grande pompe par les autorités locales et logés chez les notables de Trébizonde, les bey embarquent avec leur suite sur un bateau affrété par le gouvernement pour Constantinople. Logés durant deux mois dans la capitale et invités en audience officielle, ils reçoivent les plus hautes distinctions de l’empire et de grandes tenues militaires. Le consul italien note l’allégeance de 54 bey à Constantinople, sans trop connaître l’objectif du sultan.
3 – Le 3 juillet 1891, le consul Francisci indique que les derniers bey sont raccompagnés par le IVe corps d’armée du Colonel Zekeriya effendi et que 7000 caisses sont arrivées contenant uniformes et munitions destinés aux nouveaux régiments. Les diplomates italiens restent toutefois sceptiques sur le recrutement et la constitution des sept régiments envisagés. Le 27 juin, ils rapporteront que le général Ibrahim pacha, chargé de superviser les opérations, constatera que les bey n’ont réuni que le cinquième des contingents promis. Usant de la manière forte, les autorités turques durent tenir en otage quelques bey kurdes pour les contraindre à recruter le nombre de soldats requis.
4 – Aux premiers mois de 1892, les autorités ottomanes ont réussi à mettre sur pied quarante bataillons hamidié de six cents hommes chacun. Une remise solennelle des drapeaux concrétise et officialise le travail accompli, non sans une volonté de propagande vis-à-vis des populations. Vehbi Bey honorera d’une décoration Zeki Pacha, organisateur de la cavalerie kurde, pour marquer la satisfaction du sultan. En juillet 1893, la cavalerie kurde compte vraisemblablement 23 500 hommes.
5 – Le 17 juin 1893, le gérant provisoire du consulat italien de Trébizonde, E. Guglielmi, note que des officiers de la cavalerie de l’armée ottomane sont incorporés dans l’encadrement des Hamidié. Ils rejoignent le IVe corps d’armée établi à Erzindjan, où se trouve Ferik Ibrahim Pacha, le futur commandant en chef des trente-trois Hamidié.Au-dessous de lui, est prévu un général de brigade kurde pour quatre régiments, quatre colonels par régiment dont deux Kurdes, quatre lieutenants et ainsi de suite, les officiers ottomans étant destinés à surveiller les Kurdes. Guglielmi note aussi la présence de deux officiers allemands, probablement pour organiser et équiper les Hamidié. Les diplomates italiens évoqueront le danger potentiel de ces Hamidié pour la population arménienne.
© Denis Donikian
Photo : Kurdes hamidié, extrait du livre de Raymond H. Kévorkian et Paul B. Paboudjian : Les Arméniens dans l’empire ottoman à la veille du génocide, édition ARHIS, Paris, 1992 p. 49.
09 avril 2005 Publié 2 - PERIODE HAMIDIENNE, 2A - Faits et massacres |